jeudi 21 février 2013

La fille qui ne savait pas se servir de son répondeur

Aujourd'hui, ce que je vous raconte, c'est une histoire qui s'est vraiment passée et qui en plus a bien eu lieu. 

 

C'est peut-être même tout ce qui fait le côté dramatique, voire pathétique, de ce récit. 

 

La scène se déroule dans un supermarché dont je tairais le nom par souci d'anti-consumérisme, et nous suivons une fille justement en train d'y faire ses courses (notez qu'elle aurait très bien pu être un des ouvriers en train de refaire le rayon femme collants-chaussettes).

 

C'est justement l'opération "9 jours de Monoprix" et cela lui demande une certaine concentration puisque pour tous les produits signalés par une étiquette "1 acheté = 1 gratuit" (étiquette orange), elle se sent obligée de faire un audit complet de son frigidaire et de ses placards avant de se dire que non, 2 paics citron d'1 litre chacun, ce n'est peut-être pas nécessaire vu qu'il est fort possible que dans 5 ans j'aie un lave-vaisselle... ou disons dans 10 ans... encore que... bon, allez, je les prends ces paics citron qui me tendent les bras (ils sont forts ces commerciaux) !

 

En plus, elle doit éviter les gens qui sont venus des 4 coins de Pétaouchnok pour faire des provisions de produits gratuits (et pas forcément que du paic citron d'ailleurs, il y a aussi des souplettes Royco avec des croûtons) et qui, le nez dans leur prospectus, ne font pas du tout, mais alors pas du tout attention au chaland (un peu de respect que diable !). 

 

Au rayon produits frais, le téléphone de la fille en question se met à vibrer. 

 

Tant bien que mal, elle le sort de son sac à main et, quoi, un numéro inconnu (frisson d'angoisse, ça sent trop les ennuis potentiels), elle ne décroche pas et attend que la personne qui l'appelle lui laisse gentiment un message. 

 

- Ici, petite parenthèse pour vous dire que c'est drôle, je suis un peu comme cette fille, je m'abstiens de prendre un appel quand le numéro qui s'affiche ne correspond pas à l'un des contacts enregistrés dans mon répertoire.

 

Cela m'évite une foule de nuisibles (Orange, Darty, INSEE...),  et puis pour les nuisibles que vous êtes obligé de rappeler (patron, grand tante Germaine...) eh bien vous avez le temps de vous préparer psychologiquement 1) à l'objet de leur appel, 2) à la réponse appropriée qu'il convient de leur adresser. 

 

Exemple avec la grand tante Germaine qui a indiqué à votre répondeur qu'elle voudrait bien s'incruster chez vous pendant 15 jours pour aller voir la Tour Eiffel (au passage, il n'y a pas besoin de 15 jours pour aller voir la Tour Eiffel) (est-ce qu'elle aurait donc fini par rencontrer quelqu'un ? Incroyable !) : lors de son 2nd appel, vous avez préparé une jolie réponse pour lui dire que c'est trop dommage, à cette date vous serez partie en séjour humanitaire à Bali soigner des bébés ornithorynques et que vous ne pouvez pas lui laisser votre studio vu que vous le prêtez à une famille de touristes Chinois en situation de surendettement. Fin de la partenthèse. -

 

Bref, revenons à l'héroïne du récit (sinon elle va s'impatienter) : mi-curieuse, mi-anxieuse, elle compose le numéro de sa boîte vocale pour écouter le message laissé par la mystérieuse personne qui a essayé de la joindre.

 

Et là, message de Djane, son amie de toujours (enfin presque) : 

 

"Oh bichette, mais comment ça se fait que tu ne sois jamais joignable..."

 

Pas besoin d'en entendre plus : Djane a essayé de l'appeler du bureau, d'où le numéro inconnu (oui, même les filles comme Djane finissent par travailler un jour, et même dans un registre professionnel présumé sérieux par la plupart des gens, c'est la grande leçon de la vie).

 

Plutôt que de s'enfiler une longue tirade sur le fait que c'est inadmissible de rater comme ça en moyenne un appel sur deux, la fille décide de rappeler Djane illico pour être sûre que, comme elle le pense, celle-ci n'a rien d'important à lui dire. 

 

- Allo, Djane ?!!!!!!!!!! (ton de grosse connivence affectueuse),

 

- Euh... non... (surprise de l'interlocuteur qui n'a pas du tout la voix de Djane),

 

- Ah... (phase de doutation intense, mise en route du cerveau puissance 10.000, idée de génie, tout s'éclaire : c'est le standard de sa boîte !). Est-ce que je pourrais parler à Djane R******* s'il vous plaît ? (ton professionnel blasé),

 

- Euh... je pense qu'il y a une erreur, il n'y a pas de Djane R****** ici. En fait je vous ai appelée à l'instant et je vous ai laissé un message sur votre répondeur, mais vous n'avez sans doute pas dû le trouver

 

Ah d'accord, se dit la fille. 

 

Tout s'éclaire vraiment. 

 

Le message de Djane, c'était juste un vieux message d'il y a 3 semaines qu'elle n'avait pas écouté. 

 

Le dernier message, par contre, ce n'était pas Djane du tout mais plutôt une personne du genre sérieux, avec laquelle on fait plutôt attention à conserver un semblant de crédibilité. 

 

- Ah non, effectivement, je ne l'ai pas trouvé. J'ai voulu appeler une autre personne mais j'ai dû me tromper quelque part (ahem). Bien et sinon, c'est à quel sujet ? (ton très aimable, très professionnel et très dégagé). 

 

Je n'aurais pas franchement aimé être à la place de cette fille à cet instant là. 

 

Et je compatis d'autant plus à la légère gêne qu'elle a dû ressentir que, figurez-vous, je la connais vaguement. 

 

Mais inutile de me demander son nom, elle souhaite conserver l'anonymat. 

 

mains-paic-copie-1.jpeg

Un bon Paic citron, il n'y a que ça de vrai dans la vie.

4 commentaires:

  1. Bah 3 semaines, c'est rien. Si c'était SI important, la personne sérieuse au bout du fil aurait relancé bien avant...

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  2. Tu devrais conseiller à la fille de tenir un blog où elle pourrait raconter ses mésaventures, ça soulage. En plus elle pourrait parler d'elle à la 3ème personne pour faire comme si c'était une autre.

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