jeudi 27 juin 2013

Aujourd'hui j'ai pas mal réussi ma vie


J'étais trop jeune pour partir avec Christophe Colomb à la découverte de l'Amérique, j'ai raté le grand rendez-vous avec l'imprimerie en 1454, je n'ai pas pu écrire La Recherche vu qu'on m'a piqué l'idée, personne ne m'a invitée à venir faire mes premiers pas sur la Lune avec Youri.

A me lire comme ça, on pourrait croire que je fais partie de cette poignée d'individus sur Terre qui - n'ayons pas peur des mots - ratent totalement leur vie.

Oui mais oui mais oui mais non.

Je m'explique.

D'abord c'est idiot de penser qu'on peut rater sa vie parce qu'on ne fait pas de GRANDES choses, ou du moins des choses reconnues telles.

Faire sa vaisselle sans laisser de trace ou sortir sa poubelle le jour du passage des éboueurs, ce n'est pas forcément incroyable, mais ce n'est pas évident non plus, et, à ce titre, quand on se sort honorablement de ce genre de tâches, on réussit déjà pas mal sa vie.

Et si on s'attaque à des choses un peu plus compliquées, qui ne dépendent pas seulement de vous et de vos talents en arts ménagers, eh bien là, pour le coup, on peut dire avec Johnny et Sylvie que si ça n'est pas vraiment réussir sa vie, en tout cas ça y ressemble vraiment beaucoup


Prenez un sujet d'actualité.


Au hasard, la garde à vue de Tapie les soldes. 


Prenez une personne.

 

Au hasard, Bernard Tapie moi.


J'avais repéré de longue date cette jupe longue corail en tissu fluide so chic que mon moi raisonnable, un peu rabat-joie par momentm'avait fortement conseillé de ne pas essayer pour ne pas être tentée de l'acheter plein tarif si elle m'allait :


Pour la porter trois fois dans l'année, franchement, Ginger, ça ne vaut pas le coup.


Si je l'avais écouté jusqu'au bout je me serais carrément abstenue de l'acheter tout court, mais mon moi déraisonnable a entamé un bras de fer tel qu'il a fini par me convaincre que si cette jupe était encore là, dans ma taille, aux soldes, c'est que c'était mon destin que de la porter un jour. 


Et comme je crois beaucoup au destin, lorsque les pré-soldes (qui sont déjà des soldes, entendons-nous) sont arrivées, je me suis mise en quête de la trouver.


Malheureusement, elle n'y était plus.


Mais comme je ne pouvais me résoudre à l'idée qu'en fait cette jupe ne faisait pas partie de mon destin, j'ai refusé de me résigner et j'ai élargi mes recherches à d'autres boutiques de la marque, en déléguant même à des âmes charitables et bienveillantes de ma famille le soin de jeter un coup d'oeil à celles installées non loin de chez elles.


Bref, j'ai remué ciel et terre en refusant jusqu'au bout l'idée que j'avais peut-être manqué le plus important rendez-vous de mon destin. 


Et puis, ce matin, en allant racheter de la brioche pour remplacer celle qui traînait chez moi et dont le goût suspect m'avait fait prendre conscience qu'elle était en fait complètement moisie,  je suis tombée par hasard sur elle. 


Un peu comme aux résultats du bac où l'on cherche fébrilement la ligne de notes qui correspond à son nom, j'ai cherché fébrilement l'étiquette pour voir si elle était à ma taille.


Et, ô surprise, oui. 


Malgré toutes les difficultés, tous les obstacles, toutes les souffrances aussi, nous nous sommes donc trouvées, elle, moi ; nous ne nous quitterons plus, notre destin est désormais scellé. 


Toute cette petite histoire en forme de parabole pour vous dire que, voilà, je m'étais fixé un objectif peut-être pas révolutionnaire, mais ambitieux, que j'y suis arrivée et que la victoire est là. 


C'est pour ça qu'aujourd'hui, j'ai pas mal réussi ma vie.


Et, en tout cas, mes soldes été 2013. 

 

Ce qui revient un peu au même finalement...

 

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7 commentaires:

  1. Enfin un texte profond publié sur la blogosphère, merci, ça me manquait. Bonnes soldes à toi !

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  2. Et la prochaine fois que tu iras à la boutique SNCF, tu pourras t'asseoir à côté de la dame en rouge. Comme ça, petit à petit, vous ferez la banquette rouge.

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  3. Jeanne qui connaît Stéphane et la Belette27 juin 2013 à 04:16

    Merci pour le récit de cet exploit qui nous permet de relativiser les notions d'échec et de réussite. J'attends avec impatience de voir le résultat en photo, au moins.

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  4. Ton talent d'écriture n'est jamais en solde, ni en promo, et la collection se renouvelle sans cesse. J'achète.

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  5. Ce que tu me dis me va droit au coeur, il me semblait bien aussi que j'avais accompli quelque chose d'assez extraordinaire. Je ne m'en suis d'ailleurs pas encore tout à fait remise (de temps en temps je pleure sans raison). 

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