lundi 26 mai 2014

Bloguer et conséquences

Tout blogueur peut en témoigner : depuis le jour où l'idée un peu folle a germé en lui de déverser sa prose sur le net, où il s'est mis en quête d'un pseudo qui lui ressemble encore plus que son vrai prénom, et où il s'est occupé de sélectionner une plateforme de blog parmi les 15.000 proposées alors que moins-geek-que-lui-tu-meurs, sa vie a changé.
 
Peut-être pas radicalement, mais un peu quand même.
 
Certes, il doit toujours se lever le matin pour aller au travail, s'occuper de sortir ses poubelles deux fois par semaine et endurer de vastes réunions de famille une fois tous les quatre ans. 
 
Mais à côté de ça, il s'est fait des vrais amis dont certains qu'il n'a jamais vus et qui le connaissent pourtant bien mieux que ses vieux potes de service militaire, il sourit béatement aux désagréments de la vie quotidienne comme autant de sources ultimes d'inspiration pour ses futurs billets, il s'en veut lorsque cela fait trop longtemps qu'il n'a pas publié d'articles comme s'il laissait de côté sa véritable part d'humanité.
 
Oui, article après article, le blogueur se mue en être étrange et bizarre.
 
Je m'en suis moi-même rendue compte il n'y a pas si longtemps de cela...
 
Il faut savoir que, passée l'époque de ma prime enfance où le regard du monde m'était absolument indifférent – l'époque où je n'hésitais pas à me glisser à plat ventre par terre sous l'étal du coin boulangerie de mon Maxicoop, pour essayer de repérer les pièces de 10 francs égarées par les clientes (l'appât du gain, déjà) – je me suis retrouvée dans la peau d'une personne que je ne connaissais pas et que j'ai découverte plutôt sensible au jugement critique de son entourage – il pleut des trombes mais tant pis, j'enlève ma capuche, que diraient mes camarades de classe s'ils me voyaient porter ce type d'accessoire vestimentaire tout juste bon à éviter d'attraper une vilaine pneumonie et une affreuse toux grasse ?!.
 
Ce côté là m'est toujours un peu resté par la suite – au grand dam de Maman qui préférait visiblement de beaucoup quand sa petite Ginger rampait par terre pour récupérer de la monnaie.
 
Aujourd'hui encore, me livrer à une fouille en règle des objets déposés sur le trottoir dans l'attente du passage des encombrants suscite chez moi davantage de répugnance que d'excitation à la perspective de peut-être enfin mettre la main sur l'intégrale de la discographie de Joe Dassin (et pourtant Joe Dassin et moi, vous savez...), et je ne vous parle pas d'aller négocier mon prix à une brocante qui me fait un peu l'effet de sacrifier ma dignité personnelle sur l'autel de Mammon.
 
Mais ça, c'est pour le côté de ma vie exempt de toute interférence avec mon blog.
 
Parce que lorsque ma vie entre en résonance avec mon blog, c'est le plus naturellement du monde et sans gêne aucune que je me retrouve à m'accroupir en pleine chaussée, face à une bouche d'égout somme toute très commune, et à la prendre en photo une bonne quinzaine de fois tout en me déplaçant en canard, un peu à droite, un peu à gauche, histoire d'avoir le meilleur angle de vue.
 
Et tout ça pour quoi ?
 
 
Et le pire, c'est qu'après cette séance improvisée de photos, lorsqu'en me relevant, j'ai croisé le regard perplexe de cet homme qui passait sur le trottoir d'en face, au lieu de rougir de honte et de chercher le buisson le plus proche pour aller m'y cacher fissa, j'ai souri intérieurement de la situation.
 
Voilà quelqu'un qui me prend pour une grave déséquilibrée psychique alors qu'en fait, non, c'est juste que je tiens un blog ! me suis-je amusée.
 
C'est vrai, les gens ont si peu d'imagination que je crains qu'il ne lui soit même pas venu à l'esprit que Ginger, la fille qui publie ses Extraits, c'était peut-être moi...

Pas de photo du monsieur, je remets celle de la bouche d'égout.

jeudi 22 mai 2014

Le beau geste

Il y a des gestes qui restent inscrits à jamais dans l'histoire. 
 
Le lâcher de vase à Soissons, le lancer de poignard de Charlotte Corday, le coup de tête de Zidane à Materazzi parce qu'il avait insulté (au choix) sa mère/sa soeur/sa tante/son arrière-grande-nièce.
 
Ces gestes ont sans doute revêtu une importance variable dans le cours de l'univers. 
 
Là où le lâchage du vase de Soissons nous a très vraisemblablement épargné l'introduction d'une énième potiche sans intérêt dans le musée des arts décoratifs de Trifouillis-les-oies, le poignardage de Marat dans sa baignoire nous permet sans doute de fréquenter un certain nombre de gens qui, sans ça, n'auraient jamais eu l'heur de voir le jour (de même qu'au moins un de leurs parents, grands parents, arrière grands parents... tout ça en remontant jusque 1793). 
 
Quant au coup de tête de Zidane, il est clair que sans lui, son auteur n'aurait pas eu de carton rouge, ce qui aurait évité la plus grosse injustice de tous les temps et sans doute aussi pas mal de suicides de ballons de football (mais Materazzi avait insulté sa mère/sa soeur/sa tante/son arrière-grande-nièce, quand même !). 
 
Tous ces gestes, allez savoir pourquoi, ont connu une publicité certaine sur le coup, que l'Education nationale s'est arrangée pour faire perdurer par la suite, et qui font d'eux, aujourd'hui, de véritables légendes (oui, le coup de tête de Zidane aussi). 
 
Mais cela ne veut pas dire que dans la vie quotidienne, il ne puisse pas arriver d'assister aussi à des gestes qui sortent de l'ordinaire.
 
Seulement, la plupart du temps, pour peu que BFM TV ne soit pas sur le coup, ils sombrent aussitôt dans un oubli éternel. 
 
Je me souviens de ce jour où, en voulant renvoyer une balle de tennis, je l'ai frappée d'une façon telle qu'elle s'est coincée dans le cadre même de ma raquette (ce que j'ai découvert après avoir d'abord cru qu'elle avait été aspirée par un vaisseau extraterrestre invisible, faute d'avoir entendu le moindre rebond). 
 
Il y a eu ce jour, aussi, où je réalisais un gâteau avec ma grand-maman et où après avoir lourdement insisté pour qu'elle me laisse casser les oeufs (si, si, je sais comment faire grand-maman !), j'ai tout bonnement serré l'un d'eux dans mon poing, de toute la force de mes 4 ans, pour le faire littéralement exploser au-dessus du bol (alors, il est pas beau ce cassage d'oeuf grand-maman ?!). 
 
Plus récemment, en cherchant à sortir un plat de mon placard plutôt encombré, j'ai réussi à en casser quatre à la fois. 
 
Autant de très beaux gestes dont la publicité ne franchira hélas jamais les limites (virtuelles) de ce blog... 
 
Mais n'allez pas croire que j'écris cet article uniquement pour me mettre outrageusement en valeur aux dépens de mes lecteurs qui n'ont jamais eu le moindre beau geste. 
 
C'est en soi très regrettable, sans doute, le signe d'une vie à moitié vécue, incontestablement, mais je ne suis pas du genre à m'étaler complaisamment sur mes talents personnels. 
 
Et la preuve, c'est qu'en fait je voulais vous parler de ceux de mon frère, qui, même s'il appartient à la même famille que moi (c'est en tout cas ce que dit l'état civil), a un mode de fonctionnement assez distinct de celui sur la base duquel on m'a programmée (par exemple, il aime les westerns spaghettis, moi pas) (mais j'aime les spaghettis). 
 
Je n'irai pas jusqu'à détourner le titre d'un film pour affirmer « mon frère ce héros », par respect pour le film, d'abord, et par souci de la vérité, ensuite, mais il me faut bien reconnaître que, dans une certaine circonstance, il a eu un vrai beau geste. 
 
Comprenez-moi bien, pas le beau geste, juste beau et puis c'est tout. 
 
Non, le très beau geste. 
 
Le geste qui ne laisse personne indifférent. 
 
Le geste qui force l'admiration de tous. 
 
Bref, le geste remarquable. 
 
C'était il n'y a pas si longtemps, nous zonions tous les deux ensemble non loin de l'appartement familial, histoire de nous donner une contenance, lorsque, comme cela nous arrive très souvent quand nous nous ennuyons ensemble, il a commencé à sortir son portable.
 
Je ne sais pas si la manoeuvre était destinée a me faire croire qu'il venait de recevoir un texto (je fais ça très souvent aussi pour laisser penser que j'ai des amis), mais toujours est-il qu'en dégageant ainsi son portable de sa poche, celui-ci lui a échappé des mains pour esquisser un superbe vol plané convexe, qui s'est achevé par une sortie toute en légèreté à travers l'interstice - large de quelques centimètres seulement - de la bouche d'égout du trottoir voisin.
 
Passé le moment de stupeur, je n'ai pu réprimer un éclat de rire – nerveux, n'en doutons pas – devant un spectacle aussi beau qu'improbable.
 
Je tiens à préciser ici, pour la moralité de l'histoire, qu'il ne s'agissait pas d'un I-phone 3400 à coque en diamants, mais plutôt d'un vieux portable arrière-gardiste noir et blanc à 10 textos de mémoire, que même un enfant de deux ans se sentirait humilié d'avoir pour jouet. 
 
Toujours est-il que mon brother n'a pas trop mal pris ma réaction et a même quasi ri lui-même (quasi).
 
Et que, finalement, les choses ne se sont pas terminées trop dramatiquement, puisqu'il a réussi à soulever le cercle en fonte situé au-dessus de la bouche d'égout et à récupérer son portable sain et sauf dans un recoin facilement accessible où il avait manifestement eu la bonne idée de ricocher plutôt que d'aller sombrer 5 mètres plus bas dans un fond boueux sans doute rempli de crocodiles. 
 
Un geste parfait jusqu'au bout comme on en voit malheureusement trop rarement...
 
Une preuve que les portables et les bouches d'égout peuvent aussi être les instruments de véritables élans artistiques. 


lundi 19 mai 2014

Oser la confiance



Oui, je sais, il n'y a pas si longtemps je publiais un article intitulé "Apprendre à se faire confiance" dans lequel, je racontais que mieux valait ne jamais croire personne.

 
Aujourd'hui, je publie un nouvel article dans lequel j'affirme au contraire qu'il est important de faire confiance aux autres.
 
Ne me dites pas que c'est un peu contradictoire, je le sais déjà.
 
En fait, affirmer quelque chose puis son contraire ne me gêne absolument pas, je dirais même que cela fait un peu partie de la richesse de mon caractère qui sait saisir à travers n'importe quel élément anodin toute une infinité de nuances qui échappent en règle générale à la plupart des gens.
 
Il est normal pour moi de trouver que, vu de 5e étage, l'abribus en bas de mon immeuble est ridiculement petit (un abribus pour Polly Pocket).
 
Et il est tout aussi normal pour moi de le trouver d'une taille tout à fait respectable lorsque je descends mes 5 étages et que je vais y attendre le bus (un abribus à taille humaine pour le coup).
 
Quand je dis dans une même phrase, sans autre précision, que l'abribus est vraiment, vraiment petit mais qu'il est quand même d'une taille très correcte quand on y pense, certes, objecticvement, quelque part, je me contredis.
 
Mais je reste pourtant dans le juste.
 
Et c'est la tout l'essentiel à mes yeux.
 
Bref, ne nous égarons pas davantage...
 
Pour revenir à la confiance, je me suis rendue vendredi au Tribunal d'instance du XVe arrondissement afin d'y faire établir une procuration en vue des Européennes (je suis toujours là pour les grands enjeux).
 
Comme papa avait déjà reçu procuration de mon frère, j'avais choisi de me décharger de ma responsabilité citoyenne sur maman (Dieu merci, nous ne sommes pas dix enfants dans la famille).
 
Après avoir tenté de joindre à peu près tous mes ascendants et collatéraux, dans l'espoir que l'un d'eux me confirmerait le deuxième prénom de maman et son absence de troisième prénom (mais comment peut-on vivre sans troisième prénom ?!!), je suis allée, une fois cette information en poche, remplir avec tout le sérieux et la dignité qui s'imposaient mon formulaire CERFA n° 14952*01.
 
A côté de moi, il y avait une dame d'approximativement 70 ans qui se renseignait sur la procédure à suivre.
 
Vous noterez que quand on est retraité, on a vraiment du temps à perdre pour préférer se déplacer et faire la queue dans un tribunal d'instance d'arrondissement plutôt que de téléphoner ou consulter la fiche pratique dédiée sur le site service-public.fr...
 
Comme j'arrive a faire plusieurs choses à la fois - parce que je suis très forte - j'ai écouté, tout en cochant au hasard des cases dont je ne comprenais pas le sens (ça m'a rappelé la JAPD que je n'ai jamais faite), la conversation qui s'engageait entre la dame et le monsieur de l'accueil. 
 
- Et donc il suffit d'une carte d'identité ?
 
- Tout à fait Madame.
 
- Et je peux donc désigner mon fils pour voter à ma place.
 
- Oui, à condition qu'il soit inscrit sur les mêmes listes électorales que vous.
 
- Alors c'est bon, il est à Paris comme moi. Par contre, je peux indiquer sur la procuration pour qui il doit voter ? Parce que comment est-ce que je peux être sûre que mon fils votera bien pour le candidat que je veux ?
 
Il y a eu une pause d'une demi seconde dans la conversation.
 
Le monsieur de l'accueil a fait de grands yeux étonnés.
 
Moi je n'ai pu m'empêcher de relever la tête un court instant avec un grand sourire incrédule qui signifiait un peu Mais merci Madame de m'offrir comme ça le sujet de mon prochain billet !, et puis je me suis vite vite replongée dans mon formulaire CERFA n° 14952*01, en m'efforçant de dissimuler la bonne humeur que n'avait pas manqué de causer chez moi sa remarque pour ne pas risquer de la mettre mal à l'aise si jamais elle réalisait de quel désaveu filial elle venait ainsi de gratifier l'assistance.
 
- Ah ça, Madame, quand on fait une procuration, on est obligé de faire confiance, lui a répondu le monsieur de l'accueil.
 
Faire confiance, c'est beau.
 
Mais à son propre fils, ça n'est pas toujours évident...
 
Il est temps d'avoir la simplicité de l'admettre en public !

Le remplissage du formulaire CERFA n° 14952*01,
une épreuve dans sa vie citoyenne.

vendredi 16 mai 2014

Allez, on trinque !

 
Cela m'est d'abord arrivé il y a à peine 2 mois avec l'annonce du mariage de Zo et FK pour mai 2015 (oui, les fameux poseurs de lapins). 
 
Et puis cela s'est reproduit il y a tout juste 2 jours avec l'annonce par Fleur d'un heureux évènement pour novembre prochain. 
 
A chaque fois, j'avais sorti mes verres ballon (en cristal) 
 
Et à chaque fois, juste avant ces fameuses annonces, je les avais consciensieusement remplis de vin.
 
(On ne dira pas qu'on boit peu chez Ginger) (mal, peut-être, mais peu, non). 
 
Sauf qu'à chaque fois, les détenteurs de ces nouvelles - appelons-les les nouvelleurs pour l'occasion - sans se contenter de faire leur effet d'annonce en attirant très habilement à eux, vous aurez remarqué, le centre la conversation, ont trouvé le moyen de sortir carrément de leur chapeau magique une bouteille de champagne.
 
Pourquoi une bouteille de champagne ?
 
D'abord parce qu'ils ont dû présumer qu'ils n'en trouveraient pas nécessairement une chez moi, dans mon frigidaire, qui serait là, tranquilou, à les attendre (les idées reçues...). 
 
Ensuite, parce qu'ils sont si conformistes qu'ils n'envisagent pas de balancer un scoop de ce genre sans se plier dans la foulée à ce vieil usage complètement old school qu'au fond tout le monde déteste : trinquer à l'heureuse nouvelle.
 
Sauf que, dans tout ça, qui est obligée d'aller sortir ses flûtes (en cristal) en plus de ses verres ballon (en cristal) ? 
 
Et qui a le double de vaisselle le lendemain et doit descendre le cadavre d'une bouteille de champagne (plus lourde qu'une bouteille de vin) jusqu'au local à poubelles de son immeuble au péril de sa vie (Dieu sait ce qu'on peut trouver dans un local à poubelles) ?
 
C'est Ginger. 
 
Alors, une bonne fois pour toute, je voudrais dire à la Terre entière que lorsqu'on fête une nouvelle, c'est bien si on peut éviter d'occasionner toute une foule de désagréments à une personne qui n'a rien à voir là-dedans. 
 
Et si ça paraît trop compliqué, alors c'est encore mieux de s'abstenir de la fêter.
 
Je ne dis pas ça parce que je suis aigrie. 
 
Non, c'est juste une question de respect. 

Nouvelle.jpg
Et je ne vous parle même pas des femmes enceintes
qui n'hésitent pas à boire au moins 2ml d'alcool...

lundi 12 mai 2014

Bien choisir son excuse bidon

 
Trouver une excuse qui tienne la route pour se décommander au dernier moment d'une soirée, c'est tout un art.
 
Il faut d'abord réussir à mettre au point un bobard de qualité susceptible de justifier votre désistement impromptu aux yeux de votre interlocuteur.
 
Quelque chose qui ne soit pas trop gros.
 
On laissera de côté la mort de sa grand mère (trop courant pour être honnête), la visite du frère jumeau dont on ignorait jusque là l'existence (trop exigeant pour être tenable), le séjour à la maternité à la suite de la naissance surprise de son enfant (trop soudain pour être crédible).
 
Mais il ne faut pas viser trop bas non plus.
 
On oubliera le chien qui a mangé sa copie (potentiellement efficace mais hors sujet), la séance de dédicace du dernier livre de Marc Levy au rayon maquillage de son Monoprix (contraire à la dignité humaine), la foulure du petit doigt (inadéquat).
 
En fait, dans la quête de l'excuse bidon idéale, il faut avant tout garder bien présent à l'esprit que la personne à qui vous envisagez de faire faux-bond, même si elle est infiniment moins brillante que vous, n'est pas nécessairement dotée d'un QI traduisant chez elle un handicap intellectuel sérieux (moins de 25 points).
 
Et que, si vous vous donnez la peine de lui fournir une excuse bidon plutôt que de lui dire bien franchement que vous n'avez finalement plus envie d'aller chez elle / que vous préférez faire autre chose, c'est que vous cherchez finalement plus ou moins à ménager sa susceptibilité dans ce que cette vérité peut avoir de légèrement contrariant pour elle.
 
Alors, autant le faire bien comme il faut jusqu'au bout, en ne lui laissant pas penser que non seulement on se fiche d'elle en se décommandant à la dernière minute, mais qu'en plus on la prend pour un débile profond en lui racontant un gros mytho.
 
Le mieux est donc de viser une excuse bidon moyenne gamme, invérifiable par son interlocuteur, quand bien même il aurait des doutes sur sa véracité.
 
La gastro-entérite de dernière minute, le vol de ses papiers dans l'heure qui précède la réception, la voiture qui ne démarre pas pour s'y rendre, restent des valeurs sûres.
 
Certes, votre hôte en est quitte pour déguster seul le dîner qu'il avait spécialement concocté à votre intention, mais il peut y procéder dignement, sans forcément avoir l'impression que votre lapin fait de lui le dindon de la farce.
 
Si vous parvenez en plus à adopter un ton à peu près naturel (on évite la surenchère de points d'exclamation et de suspension, on reste sobre dans l'expression de sa douleur), et à ancrer votre bobard dans un ou deux éléments concrets ("je te laisse, ma bassine m'appelle" / "comme un malheur n'arrive jamais seul, le policier qui prend ma déposition a flashé sur moi, il me propose un resto le we prochain, au secours !!!" / "tu crois que ça peut venir du calculateur d'injection ?"), alors bravo, vous pouvez vous vanter d'exceller dans un art dont près de 99,99 % des gens ne maîtrisent pas même le commencement.
 
Et parmi eux, mon amie Zo.
 
Nous devions nous retrouver jeudi dernier, comme prévu depuis une dizaine de jours, avec elle et son fiancé JK.
 
Comme je suis une fille organisée (en tout cas j'essaye), le lundi, j'avais réfléchi au menu que j'allais préparer, le mardi, j'étais allée faire les courses nécessaires, et le mercredi midi, je commençais à préparer le repas.
 
Et c'est justement ce mercredi, peu après midi, à 15h09 très précisément, que, coup de théâtre, je reçois un texto de Zo :
 
« Ginger, catastrophe ! Nous partons demain chez une pote de JK en we last minute me dit-il pensant que c'était ce soir notre dîner ! Du coup on va devoir décaler notre petite sauterie et je suis fortement navrée que tu pâtisses du manque d'écoute dans notre couple ! ».
 
A la lecture de ce message, je n'ai pas pensé à la soirée qui était plantée ni à mon dîner qui allait me rester sur les bras.
 
Non, je suis bien au-dessus de tout ça, comprenez-moi.
 
J'ai certes un peu d'amour-propre, mais je le place infiniment plus haut que le niveau auquel se trouvent coincés la plupart de mes semblables. 
 
Non, ce qui m'est venu immédiatement à l'esprit, comme un cri perçant jailli de mon cerveau dans un éclair de lumière, c'est Mon Dieu, mais quelle excuse bidon bas de gamme !!!
 
De celles qui vous rendent presque honteux pour leur auteur, tant elle reflète une incompréhension crasse de l'art du mythonage.
 
Bien sûr, je me suis abstenue de lui indiquer en réponse les nombreuses insuffisances de son texto (je me suis d'ailleurs carrément abstenue de toute réponse) : mes amis n'ont pas forcément un amour-propre situé à un niveau aussi élevé que le mien, et comme je tiens parfois, pour diverses raisons, à les garder dans mes contacts (Zo travaille chez YSL, ça reste potentiellement intéressant), je préfère les ménager un peu. 
 
Mais à vous, je peux dresser l'exégèse des maladresses qui ont définitivement planté son excuse bidon (dans une optique strictement pédagogique bien sûr).
 
- 1er point faible : JK qui impose autoritairement à sa dulcinée de partir en "we last minute chez une pote", façon gros-macho-back-from-the-Moyen-Age (et oui, il y avait déjà des "we last minute" à l'époque).
 
Ca ne colle tout simplement pas le moins du monde avec le mode de fonctionnement du couple somme toute assez classique qu'il forme avec Zo, dans lequel, si jamais une personne décide de quelque chose sans consulter l'autre, je suis prête à parier les 16 compartiments de mon étagère Expedit qu'il s'agit de Zo.
 
Bref, une approche psychologique en contradiction totale avec la personnalité des protagonistes, et ça, ça suffit déjà à vous mettre très sérieusement la puce à l'oreille...
 
- 2e point faible : l'impossibilité apparemment absolue de remédier à l'erreur commise par JK (« du coup, on va devoir décaler »), alors que dans le pire des cas, après une bonne crise de Zo (« Quoi ??! Mais la soirée chez Ginger ?!! Ce n'est quand même pas faute de t'avoir rappelé 15 fois qu'elle avait lieu jeudi !! »), il pouvait toujours prendre son téléphone, appeler sa "pote" et lui expliquer que « désolé, mais j'ai complètement zappé une soirée chez Ginger qui nous retient sur Paris jeudi, une fille trop méga génial top que même ton we last minute à Belle Ile, à côté, c'est de la sardine en boîte ».
 
Le motif de désistement ne tient juste pas du tout la route, et c'est bien dommage parce que, dans ces cas là, le destinataire du texto qui a bloqué sa soirée pour rien et entamé des préparatifs en pure perte, a, lui, en règle générale, un sens logique à toute épreuve...
 
- 3e point faible : le ton pas du tout naturel : trop de points d'exclamation et une recherche excessive de style qui trahit une absence totale de spontanéité dans la rédaction du texto (même la plus embryonnaire).
 
Vous avez l'impression qu'on l'a tellement bossé, ce texto, que même dépourvu de toute allusion relative à un désistement/posage de lapin, il vous aurait paru louche au point de devoir être signalé sans délai au commissariat le plus proche.
 
Moralité ?
 
Bidonnage à retravailler de toute urgence.
 
Ne retenter le coup que lorsqu'on est vraiment prêt.
 
Marc-Levy-.jpg
Marc Levy au rayon maquillage du Monoprix,
une excuse qui passe mal en société...

mardi 6 mai 2014

Génération sacrifiée, le retour

 
Il n'y a pas si longtemps, je vous avais parlé de mon filleul de 6 ans.
 
Oui, celui qui, avec ses légos, au lieu de construire de jolies maisons colorées avec cheminée en briques et fleurs aux fenêtres, s'était lancé dans une surprenante réalisation mêlant tout un amas de tuyaux et d'engrenages au milieu desquels l'homme-légo faisait tristement figure de playmobil dans un évier.
 
Usant de mes capacités d'analyse hors normes, j'avais vite compris que derrière toute l'anarchie de cette oeuvre, se dissimulait en réalité le profond malaise d'un enfant de grande section de maternelle, face à une société sans avenir, tout juste bonne à lui attribuer un numéro de sécurité sociale et vas-y-débrouille-toi-mon-gars (chômage, divorce, déclarations fiscales, stations vélib vides, j'en passe et des meilleures...). 
 
Si je vous faisais part, alors, de ma vive inquiétude quant à l'équilibre psychologique de cette classe d'âge, j'ignorais encore l'étendue du problème. 
 
Car ce ne sont pas seulement les enfants de grande section qui sont concernés par ce phénomène. 
 
Cela commence en fait bien plus tôt. 
 
Au moins dès la petite section. 
 
Mon neveu de 4 ans tout juste m'a présenté ce week-end son dernier dessin. 
 
Une sorte de triptyque biscornu et monochrome, représentant... 
 
… non, pas une maison avec cheminée en briques et fleurs aux fenêtres.
 
… mais, oui, un échafaudage.

 
Un échafaudage parfaitement étouffant, enfermant, je dirais même claustrophobant.
 
Un échafaudage qui avale les hommes dans un dédale d'armatures rectilignes, tant verticales qu'horizontales (pas de jaloux), au sein desquelles ils se trouvent condamnés à percer des trous pour l'éternité (du moins jusqu'à leur mort).




Comme si quelqu'un les avait séquestrés là, leur avait remis une perceuse entre les mains, et leur avait donné l'ordre de percer, percer, percer, percer et encore percer, en les avertissant que si jamais ils s'arrêtent, la micro-bombe qui leur a été implantée au niveau de l'hypophyse pendant leur sommeil explosera. 
 
C'est sans doute dû à la tension nerveuse créée chez chacun de ces personnages par une telle situation, mais, je ne sais pas si vous avez remarqué, ils ne communiquent pas du tout les uns avec les autres. 
 
Chacun se trouve dans son coin, occupé à percer sans relâche, sans même paraître se rendre compte qu'il n'est pas seul à percer. 
 
Pas de soleil à l'horizon, du fer partout et des tas de petits trous dans le fer. 
 
Quand mon neveu m'a montré ce dessin, je l'ai regardé et j'ai compris qu'à son jeune âge, il savait déjà. 
 
Il savait déjà pour cette grande prison qu'est le monde, pour ces gens qui gravitent autour de nous et qui ne sont que des étrangers, pour ce lot de devoirs et d'obligations qui nous retiennent indéfiniment captifs.
 
J'ai compris que les aventures de Bob l'éponge et les albums de Babar, c'était déjà du passé. 
 
Que les étoiles scintillantes et les happy-ends appartenaient à un temps révolu. 
 
Que dorénavant, il n'y aurait plus que des récits bien noirâtres et boueux du style Sartre, Camus, Zola, Céline, pourquoi pas Maupassant aussi, qui pourraient lui évoquer quelque chose. 
 
Enfin, je m'avance peut-être un peu sur ce dernier point...
 
Nous n'en sommes sans doute pas encore tout à fait là.
 
Après tout, mon neveu n'a que 4 ans et, à ma connaissance, il ne lit pas encore de livres sans images !

vendredi 2 mai 2014

Le début de ma nouvelle vie

 
Il y a eu un avant. 
 
J'étais blonde, j'avais les yeux bleus et j'étais très intelligente. 
 
Il y aura un après. 
 
Je serai toujours blonde, j'aurai toujours les yeux bleus et je serai toujours très intelligente (voire même plus encore). 
 
Rien n'aura changé extérieurement (oui, l'intelligence est extérieure). 
 
Mais, intérieurement, tout sera différent. 
 
Car la vie vous réserve parfois de drôles de surprises.
 
Et je ne parle pas que des pains-surprises qui, certes, sont très bons (ceux de Picard notamment),  mais qui ne concentrent pas à eux seuls toutes les formes de surprises - n'en déplaisent à certaines personnes dont les noms me viennent à l'esprit mais que je tairai ici par respect pour elles et pour le reste du monde. 
 
Une surprise, ça peut être une main qui se tend quand vous étiez en train de sombrer tout au fond de la piscine du bout du tunnel du rouleau, dans une bonne grosse vieille dépression des familles. 
 
Et paff, c'est la vie qui renaît. 
 
Une surprise, ça peut aussi être un bloc de béton qui se détache d'un immeuble et qui atterrit pile poil sur votre pied avec toute sa force de gravité. 
 
Et bing, c'est la vie piétonne qui s'en va. 
 
Des surprises, à vrai dire, on en a tous les jours. 
 
Mais il y en a qui sont tellement énormes qu'elles font du jour où elles arrivent une date hors norme qui signifiera bien plus pour vous qu'un simple quantième d'un mois quelconque d'une année lambda. 
 
Le 1er mai fait dorénavant partie de mes dates à moi. 
 
Rendez-vous était pris pour une soirée chez Maud, avec quelques amies, pour fêter sa thèse de médecine (il faut bien fêter des choses dans la vie). 
 
Comme je suis une remarquable amie et que j'avais été chargée du dessert (allez savoir pourquoi, on me confie toujours le dessert), je me suis dit que, plutôt que de faire semblant d'avoir cuisiné un Savane Papy Brossard (oui, oui, j'ai aussi fait l'emballage), je pouvais essayer de faire un vrai gâteau, avec de la farine, du sucre et même des oeufs. 
 
Et ça tombait bien parce que je n'avais pas envie de travailler.
 
Or la cuisine a le don de passer, à mes yeux de professionnelle oeuvrant pour le bien commun depuis son propre domicile (de préférence en tailleur sur son clic-clac), pour une excuse infiniment plus respectable que celle que je trouverais dans une séance lecture de Stylist magazine en prenant un bain pendant une heure, ou dans une séance de décalcomanies sur le thème de Babar (pendant une heure aussi). 
 
N'allez pas me demander pourquoi, cela doit avoir vaguement rapport avec le fait qu'en me consacrant à une telle activité, j'ai la ferme conviction d'oeuvrer aussi un peu pour le bien commun, du moins pour le bien commun de ceux qui en partageront le résultat, et ma conscience a donc moins de difficulté à fermer les yeux sur le manque total de sérieux que cela dénote de ma part. 
 
Et comme je n'avais vraiment pas envie de travailler (mais alors vraiment pas), je me suis dit : plutôt que de faire mon gâteau au chocolat express pour la 107e fois, pourquoi ne pas tenter une nouvelle recette ? 
 
Et pourquoi pas, tiens, une recette de crumble
 
Comme ça, je peux garder la même quantité de beurre, ce qui me permettra de conserver mes acquis, tout en incluant un élément fruitier qui apportera une touche de légèreté au dessert. 
 
Au final, je me suis certes un peu trompée dans le dosage de cet ingrédient, mais heureusement, ça ne s'est pas vu plus que ça une fois mélangés les pommes, la cannelle, le citron, le sucre vanillé, le sucre cassonade et la farine, comme ont fait au moins les 1558 personnes qui ont réalisé la recette avant moi et qui l'ont notée 5/5. 
 
Quelques heures plus tard, après être allée me perdre dans un lointain endroit qu'on appelle le XVIe arrondissement, j'ai sorti mon gâteau. 
 
Je l'ai coupé. 
 
Je l'ai servi. 
 
Et là, plus personne n'a parlé pendant bien dix minutes / une demi heure, le temps de se recueillir, pleurer, se moucher un peu, repleurer encore, s'essuyer les yeux et encore repleurer. 
 
Qu'est-ce que tout ça a changé dans ma vie ? 
 
Oh, pas grand chose. 
 
C'est juste que, désormais, je sais à quoi ressemble le paradis. 
 
Il a un goût plutôt sucré et caramélisé.

  
(Trop d'émotion... no comment !)