lundi 26 mai 2014

Bloguer et conséquences

Tout blogueur peut en témoigner : depuis le jour où l'idée un peu folle a germé en lui de déverser sa prose sur le net, où il s'est mis en quête d'un pseudo qui lui ressemble encore plus que son vrai prénom, et où il s'est occupé de sélectionner une plateforme de blog parmi les 15.000 proposées alors que moins-geek-que-lui-tu-meurs, sa vie a changé.
 
Peut-être pas radicalement, mais un peu quand même.
 
Certes, il doit toujours se lever le matin pour aller au travail, s'occuper de sortir ses poubelles deux fois par semaine et endurer de vastes réunions de famille une fois tous les quatre ans. 
 
Mais à côté de ça, il s'est fait des vrais amis dont certains qu'il n'a jamais vus et qui le connaissent pourtant bien mieux que ses vieux potes de service militaire, il sourit béatement aux désagréments de la vie quotidienne comme autant de sources ultimes d'inspiration pour ses futurs billets, il s'en veut lorsque cela fait trop longtemps qu'il n'a pas publié d'articles comme s'il laissait de côté sa véritable part d'humanité.
 
Oui, article après article, le blogueur se mue en être étrange et bizarre.
 
Je m'en suis moi-même rendue compte il n'y a pas si longtemps de cela...
 
Il faut savoir que, passée l'époque de ma prime enfance où le regard du monde m'était absolument indifférent – l'époque où je n'hésitais pas à me glisser à plat ventre par terre sous l'étal du coin boulangerie de mon Maxicoop, pour essayer de repérer les pièces de 10 francs égarées par les clientes (l'appât du gain, déjà) – je me suis retrouvée dans la peau d'une personne que je ne connaissais pas et que j'ai découverte plutôt sensible au jugement critique de son entourage – il pleut des trombes mais tant pis, j'enlève ma capuche, que diraient mes camarades de classe s'ils me voyaient porter ce type d'accessoire vestimentaire tout juste bon à éviter d'attraper une vilaine pneumonie et une affreuse toux grasse ?!.
 
Ce côté là m'est toujours un peu resté par la suite – au grand dam de Maman qui préférait visiblement de beaucoup quand sa petite Ginger rampait par terre pour récupérer de la monnaie.
 
Aujourd'hui encore, me livrer à une fouille en règle des objets déposés sur le trottoir dans l'attente du passage des encombrants suscite chez moi davantage de répugnance que d'excitation à la perspective de peut-être enfin mettre la main sur l'intégrale de la discographie de Joe Dassin (et pourtant Joe Dassin et moi, vous savez...), et je ne vous parle pas d'aller négocier mon prix à une brocante qui me fait un peu l'effet de sacrifier ma dignité personnelle sur l'autel de Mammon.
 
Mais ça, c'est pour le côté de ma vie exempt de toute interférence avec mon blog.
 
Parce que lorsque ma vie entre en résonance avec mon blog, c'est le plus naturellement du monde et sans gêne aucune que je me retrouve à m'accroupir en pleine chaussée, face à une bouche d'égout somme toute très commune, et à la prendre en photo une bonne quinzaine de fois tout en me déplaçant en canard, un peu à droite, un peu à gauche, histoire d'avoir le meilleur angle de vue.
 
Et tout ça pour quoi ?
 
 
Et le pire, c'est qu'après cette séance improvisée de photos, lorsqu'en me relevant, j'ai croisé le regard perplexe de cet homme qui passait sur le trottoir d'en face, au lieu de rougir de honte et de chercher le buisson le plus proche pour aller m'y cacher fissa, j'ai souri intérieurement de la situation.
 
Voilà quelqu'un qui me prend pour une grave déséquilibrée psychique alors qu'en fait, non, c'est juste que je tiens un blog ! me suis-je amusée.
 
C'est vrai, les gens ont si peu d'imagination que je crains qu'il ne lui soit même pas venu à l'esprit que Ginger, la fille qui publie ses Extraits, c'était peut-être moi...

Pas de photo du monsieur, je remets celle de la bouche d'égout.

8 commentaires:

  1. Comme je me retrouve dans ton article. Moi qui ne supportait pas de brandir un appareil photo tel un touriste, je le sors à toute occasion. Et si je suis en panne d'inspiration, je me rends dans mon dossier "à trier" pour y trouver la photo oubliée qui suscitera un nouvel article ! PS : Dans mon petit village alsacien, les poubelles, ce n'est qu'une fois par semaine.

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  2. Comme toi, je me suis rendue compte il y a peu de temps que grace à mon blog (ou à cause de ?) je prenais pas mal de photos improbables. Une discussion avec des amis sur le nombre de photos prises par an a largement contribué à me faire prendre conscience de cette dérive des blogueurs. Merci pour la photo de la bouche d'égout, la revoir est toujours un plaisir.

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  3. Si ça se trouve, cet inconnu, loin de s'étonner de la scène, a attendu que tu prennes un dernier cliché de la bouche d'égout pour te photographier lui aussi à l'improviste... Et un blogueur qui dit merci à la danse des canards de Ginger !

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  4. Bravo pour cet article qui fait bien rentrer dans la peau (et dans la vie tortueuse) des bloggers !

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  5. J’ai beaucoup de mal à t’imaginer, même en version petite fille, en train de faire la serpillière sous les étals de ton maxicoop. Tu vois, ton image de jeune femme frisant la perfection a déjà laissé son empreinte dans mon esprit. Comme je comprends ce pauvre M. Badaud qui n’a pas reconnu dans cette jeune paparazzi à la démarche en canard, la sublime, la parfaite, l’unique GINGER !

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  6. Merci de nous dévoiler ton côté obscur, c'est courageux d'exposer ainsi ton goût enfoui pour les bouches d'égouts et les dessous de comptoirs de boulangerie. Dommage qu'à l'époque ta Maman n'ait pas eu le même réflexe "appareil photo", j'aurais aimé voir ça de plus près...

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  7. Ça fait plus de 2 ans que je lis ton blog, et pour peu que j'aie eu un déséquilibre psychique, il est guéri. Merci Docteur Ginger.

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  8. J'ai hâte de prendre quelques années encore pour avoir une parfaite légitimité pour porter ce genre de fashion accessoires ! 

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