lundi 27 octobre 2014

Devenir adulte contre son gré


Je me souviens très bien du jour où, à ma demande expresse, on m'a accordé le droit de laver la baignoire. 

Avec du vrai produit ajax, une vraie éponge et un vrai pommeau de douche.

Tout comme une grande personne.

Vous ne vous étonnerez pas d'apprendre que ce moment compte parmi ceux où j'ai ressenti la plus grande fierté de ma vie.  

La fierté de mettre un premier pied dans le monde intriguant et jusque là inaccessible des adultes. 

Bien sûr, ce moment, s'il fût intense, n'en fût pas moins également extrêmement fugace.

Dès la quatrième ou cinquième fois où je renouvelais l'opération lavage de la baignoire, le charme opérait bizarrement déjà beaucoup moins.

A compter de la septième ou huitième fois, j'assimilais carrément cette opération sanitaire à – oui, n'ayons pas peur des mots – une corvée.

Bref, ce que m'apprît cette histoire tragique de mon existence, c'est que le monde des adultes ne vaut pas toujours le coup qu'on le découvre trop tôt... 

C'est la raison pour laquelle, lorsque je suis devenue une suffisamment grande fille pour avoir mon propre chez moi – et accessoirement un travail et un compte bancaire présentant un solde créditeur de plus de 200 euros – j'ai repoussé et repoussé et repoussé encore un peu, et même un peu plus, le moment d'annoncer à maman :

"STOP maman, maintenant, à compter de ce jour, c'est moi qui m'occupe de mon linge !"

Et je l'ai tellement repoussé que trois ans – presque quatre – après mon installation, je n'avais toujours pas fait l'acquisition d'une machine à laver.

Mais pourquoi ? allez-vous me demander. 

Car, après tout, ce n'est pas parce que l'on dispose d'un tel équipement que l'on doit pour autant renoncer définitivement à confier son linge à une personne de confiance de son entourage familial !

C'est vrai, mais il est parfois dangereux de laisser s'installer certaines ambiguïtés.

Cela vous surprendra peut-être beaucoup, mais certaines personnes sont susceptibles de faire un amalgame quelque peu hâtif entre deux concepts pourtant fondamentalement différents tels que je dispose d'un lave linge et je tiens à m'en servir pour laver tout mon linge moi-même...

Et puis, un beau jour, il n'y a pas si longtemps, je suis partie à Cannes (le tapis rouge, la dolce vita, les palmiers et les moustiques) avec une serviette de plage que j'ai considérablement utilisée en quatre jours au point qu'elle ne s'annonçait plus très fraîche pour le week-end suivant où je devais me rendre dans le Poitou après une courte escale à Paris. 

Or, dans le Poitou, une serviette de plage pouvait m'être également très utile car même s'il n'y a pas de mer à côté (ni tapis rouge ni palmiers, d'ailleurs) (mais les moustiques, si, par contre), on trouve quelques ruisseaux glacés dans lesquels les plus téméraires peuvent le cas échéant tenter de glisser un pied. 

Bref, à mon retour de Cannes et avant mon départ pour le Poitou, Coco à qui j'avais fait part de la délicate situation dans laquelle je me trouvais, m'a spontanément proposé de s'occuper de laver ma serviette de plage.

Sur le coup, au lieu de prudemment refuser – on ne sait jamais à quoi vous engage un service – j'ai accepté en la remerciant chaleureusement : 

« Trop sympa, Coco, tu es une vraie amie, ce we dans le Poitou avec une serviette de plage propre qui sentira bon la lavande industrielle promet d'être absolument mythique ! ».

Le problème c'est que si Coco a lavé ma serviette de plage en temps et en heure, sans faire dégorger les couleurs et sans que ses vêtements déteignent sur elle, elle n'en est pas restée là. 

Tout ça parce qu'au moment où elle me l'a rapportée, j'ai cru utile, par pure politesse, de me lancer dans une grande déclaration parfaitement formelle du type « c'est quand même bien pratique les machines à laver », elle s'est cru autorisée à insister pour que je m'en procure une. 

Comme si, parce qu'elle avait lavé une fois une de mes affaires, elle pouvait se permettre de décider des grandes directions de ma vie - quand maman qui a lavé mon linge pendant près de 30 ans est toujours restée très respectueuse des mes choix sur ce point.

Cela a commencé par le transfert par mail d'une annonce d'un particulier qui vendait son lave linge. 

Puis par le transfert d'une deuxième annonce. 

Puis d'une troisième. 

Peu après, a suivi un texto : 

« Alors, tu te décides pour la machine de l'annonce que je viens de t'envoyer ? ».

Là, je me suis dit, pas de panique, j'ai la parade idéale : 

« Ecoute, le vendeur indique qu'il faut qu'elle parte avant la fin de la semaine, et là, impossible, de trouver une voiture pour la transporter en aussi peu de temps ».

Nouveau texto deux secondes plus tard : 

« Tu veux que je demande à mon frère ? »

Dix minutes après, elle me confirmait que son frère était disponible et trois heures plus tard je me retrouvais avec un lave linge proline de trois ans d'âge envahissant la moitié de l'espace de ma salle de bain. 

Ce soir là, en m'installant dans mon canapé après avoir remercié Coco, son frère Nono et Bob également requis pour l'expédition lave linge, j'ai eu comme le sentiment d'avoir pris un méchant coup de vieux. 

Mais je me console en me disant qu'à ce jour, je n'ai pas encore de lave-vaisselle. 

Et que ce n'est pas près d'arriver puisque je n'ai pas d'emplacement pour. 

Ouf ! 

12 commentaires:

  1. Ces allers-retours de linge depuis des années me laissent rêveuse… ta maman est tout simplement adorable non !?

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    1. C'est la meilleure des mamans, c'est tout. J'espère d'ailleurs qu'elle lira très prochainement ce commentaire !

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  2. Et voilà que le compte bancaire n'est plus créditeur de 200 Euros...
    Si tu m'en avais parlé plus tôt, je t'aurais conseillé d'investir dans un congélateur, et de l'installer dans ta salle de bain. Ainsi, la place aurait été prise !
    Tu conviendras avec moi qu'il est plus facile de faire laver son linge chez maman que d'y chercher un cordon bleu ou une glace au citron !

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    1. Mais ô combien je me repens de ne pas avoir pris conseil plus tôt auprès de toi, ma chère Alphonsine... C'est ça de croire qu'on peut arriver à se débrouiller par soi-même, on finit par faire des bêtises !

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  3. La cave à vin, prochain investissement ?

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    1. Il me reste une place sur le palier de mon logis, ça peut se faire, oui oui oui !!!

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  4. Le tout, c'est de ne pas se faire doubler par un autre membre de la famille...

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    1. J'y suis toujours arrivée ! Permis de conduire et maintenant machine à laver, j'ai toujours mis un point d'honneur à griller la politesse à un certain frère de ma famille... in extremis, peut-être, mais grillé quand même !

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  5. Ah non mais moi je préfère prévenir dès maintenant, il est hors de question que je fasse la lessive de mes cinq enfants jusqu'à leurs trente ans (pas plus que le repassage, d'ailleurs).

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    1. Avec un peu de chance, tu en auras peut-être un ou deux d'assez précoce sur le lot pour se marier avant leurs 25 ans... On croise les doigts, Albane, on croise les doigts !!

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  6. C'est bien Ginger, tu es passée de l'autre coté...Tu sais comment ta mère l'a vécu ?

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    1. Je crois que c'est dur... Voir ses enfants s'envoler du panier à linge et du panier à repasser, ça fait quand même quelque chose.

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